Depuis la pandémie vos règles sont :
Avec le confinement qui s'étend, c'est le quotidien de millions de Français qui se retrouve bouleversé. Et l'horloge biologique des femmes n'échappe pas à la règle.
Publié le 6 Avr 20 à 17:40
Pour Dana, 23 ans, le retard de ses règles a été l’élément déclencheur. « Depuis 2015, je passe par une application sur smartphone pour suivre mon cycle menstruel. C’est là que je me suis rendue compte que j’avais du retard. Ajouté à ma fatigue, ma sensibilité accentuée, le stress en ce moment, avec ce retard, j’ai compris que mon corps réagissait. »
Cette « situation » évoquée par Dana est celle du confinement, auquel les Français sont soumis pour limiter la propagation du coronavirus. Et pour les femmes, cette période exceptionnelle de sédentarité et de stress n’est pas sans conséquence sur leur horloge hormonale.
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Le stress et l’ambiance anxiogène
Pour le gynécologue Maxime Marcelli, également membre de l’Institut de chirurgie de la femme, à Marseille, ce déséquilibre du cycle s’explique avant tout par le stress et l’ambiance anxiogène de cette période inédite. « Il faut savoir que les hormones de stress sont sécrétées par les mêmes glandes que celles sécrétant les hormones dont dépendent les règles », explique-t-il.
Par peur d’attraper le coronavirus ou que l’un de ses proches soit infecté, par peur de la maladie, par peur pour sa situation professionnelle ou en raison des tensions suscitées par le confinement à plusieurs dans un espace limité, il est donc possible que certaines femmes connaissent un déséquilibre hormonal.
« C’est aussi connu qu’en captivité, par exemple dans le cas des détenues, on observe chez des femmes une disparition des règles voire un alignement de leur cycle, de sorte qu’elles aient leurs règles ensemble. C’est un effet hormonal pour les rendre fertiles au même moment, dans le sens où, de manière très animale, il y a une sorte de concurrence au sein d’un même foyer », analyse le Dr Marcelli.
Ce n’est qu’une hypothèse, ajoute t-il, aucun lien n’étant scientifiquement avéré entre confinement et dérèglement.
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Sommeil agité, émotions à fleur de peau…
Si le Dr Marcelli reconnaît l’existence d’un phénomène au regard du nombre d’appels de ses patients à ce sujet, sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient pour évoquer le dérèglement de leur cycle menstruel. A l’image de la réalisatrice féministe Ovidie, dont le sondage sur Twitter a révélé que 40% des femmes interrogées font en ce moment face à des règles perturbées.
Même autour d’elle, Dana compte plusieurs amies qui connaissent le même cas. Comme Elodie, qui enregistre maintenant deux semaines de retard de règles, ou encore Pauline, confinée depuis plus trois semaines dans le sud de la France, « le weekend avant que l’on annonce le confinement », précise-t-elle.
« Jusqu’à hier, je n’avais pas eu mes règles depuis deux mois, à peu près quand on a commencé à parler du coronavirus. Après je ne dis pas que c’est forcément lié, il arrive que mes règles soient encore assez irrégulières, mais bon, c’est une période de stress autour de la maladie, avec une ambiance très spéciale. Depuis le 17 mars, je ne suis sortie que trois fois, pour faire des courses et prendre rapidement l’air », raconte la jeune femme.
Outre le sommeil agité et des émotions à fleur de peau – « je pleure quasi-systématiquement à chaque film ou chaque série que je regarde » -, le plus dur selon Pauline reste la douleur. « Je n’avais plus l’habitude d’avoir mal, dans le sens où dès le début de mes règles je prenais un anti-inflammatoire et ça passait. Mais comme c’est déconseillé avec le coronavirus, j’ai passé les deux derniers jours à avoir mal », souffle Pauline.
Sondage intéressant, c'est exactement ce que je traverse, plus de règles ! Comme quoi quand le corps et l'environnement sont chamboulés... #jaiplusmesregles
Les miennes : 3 jours depuis 25 ans, là ca fait une semaine que ça dure... et mes deux filles sont en retard.
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Mais d’autres facteurs peuvent influer sur le cycle de la femme en cette période exceptionnelle, avec parmi eux la possibilité de tomber enceinte, cette période exceptionnelle de confinement pouvant aussi être synonyme d’activité sexuelle. « Aussi, lorsque je suis consulté par rapport à des règles anormales ou suspendues, je préfère faire d’abord un test de grossesse », confie Maxime Marcelli.
Autre point à vérifier, ajoute le gynécologue marseillais : la contraception. Car avec le confinement, c’est tout un tas d’habitudes qui sont modifiées dans notre rythme de vie. Une femme qui prend sa pilule au réveil tous les matins avant d’aller travailler pourrait ainsi voir son cycle se décaler en cas de réveil plus tardif.
Régler sa vie pour régler son cycle
A noter que les femmes qui prennent la pilule sont potentiellement moins exposées à un dérèglement de leur cycle, dans le sens où cette contraception permet de « contrôler son cycle » en lui imposant un rythme artificiel.
Mais pour celles qui envisageraient de débuter une contraception pour régulariser leur cycle, attention. Pilule, stérilet ou implant : chaque femme est différente, et il est important de prendre le temps de trouver la contraception qui lui correspond.
« Pour retrouver un cycle normal, je n’ai pas de solution miracle, mais je ne peux que conseiller de se raccrocher à son rythme de vie d’avant-confinement, de faire du sport pour éliminer le stress, de bien dormir. Régulariser ses règles, ça passe par régler sa vie », poursuit le membre de l’Institut de chirurgie de la femme à Marseille.
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Des téléconsultations possibles
Même s’il va de soit que le confinement peut influer l’horloge hormonale féminine, Dana regrette que peu d’informations circulent à ce sujet dans les médias. « On parle beaucoup des conséquences du coronavirus et du confinement sur le sommeil, sur la psychologie, sur la forme physique… Mais rien sur nos cycles prémenstruels ni comment remédier à ce dérèglement », conclut-elle.
Après, nuance le Dr Maxime Marcelli, tout dépend aussi de la sensibilité de chaque femme au stress et de sa situation face au confinement. « Une fois les conséquences liées à la grossesses éliminées, on peut attendre trois mois avant de s’alarmer », indique-t-il.
Mais pour celles dont l’inquiétude persiste, des téléconsultations restent possibles auprès d’une partie des gynécologues qui maintiennent leurs activités de base en dehors de la mobilisation des soignants contre le Covid-19.
Alexandra Segond